Une perle dans l’Atlantique. Madère est de ces îles isolées qui jouissent d’une notoriété qui porte bien au delà de leurs rivages. Destination nature par excellence, Madère sait cultiver les contrastes. Paysages iodés, jungles inextricables et haute montagne se partagent les faveurs de randonneurs qui viennent y trouver un environnement préservé et protégé.
Ce voyage d’une semaine fait la part belle aux randonnées, aux balades en pleine nature et aux ambiances de bout du monde. En novembre, la haute saison de l’île aux fleurs est bien terminée, et j’ai ainsi pu profiter en paix des mille nuances de vert de Madère.
Funchal madère
Funchal et la côte Sud
La petite capitale de Madère se concentre autour dune baie et de son port où mouillent quelques paquebots de croisière. Grignotant les collines, ses quartiers résidentiels repoussent toujours plus les limites de la ville. Eminemment touristique, Funchal ne compte pourtant pas de monument emblématique. On y vient pour apprécier l’ambiance de son centre, ses terrasses de restaurant et ses placettes très souvent bordées d’une église.
Il faut aller musarder autour du fort jaune St. Tiago, là ou quelques barques prennent le soleil, remonter la Rua de Santa Maria depuis le Largo do Corpo Santo jusqu’à l’emblématique (et très touristique) marché couvert de Funchal. Les étals regorgent de fruits exotiques, de fleurs colorées et d’odeurs sucrées. Au niveau inférieur, la halle aux poissons vaut le coup d’œil. Du marché, une courte marche conduit dans le quartier chic de la ville, qui pourra rappeler les rues les plus huppées du vieux Lisbonne, jusqu’à la cathédrale de Funchal.
La ville recense plusieurs beaux jardins botaniques. Il faut dire que la côte Sud de Madère peut compter sur un climat doux toute l’année, du soleil et un peu de pluie bienvenue pour les végétaux. Si vous ne prévoyez pas randonner dans les montagnes de l’île (patience, on y arrive doucement !), le Jardin Tropical de Monte, dont j’ai apprécié l’aménagement paysager, est un oasis de verdure magnifique et dépaysant.
La côte Sud est a l’abri du vent, des tempêtes et des intempéries. Exposée au soleil, elle est de loin la plus urbanisée de Madère et si je n’ai pas eu de réel coup de coeur, plusieurs arrêts me paraissent intéressants. Au Christ Rédempteur (plus vieux que celui de Rio paraît-il !), la vue sur la mer est belle. Un peu plus loin, la route circulaire se met à grimper jusqu’au sommet de la plus haute falaise d’Europe, au Cabo Girao. Une plateforme (trop ?) aménagée permet d’apprécier la sensation de vertige.
areiro fanal madère
La tête dans les nuages sur les hauteurs
Des reliefs invraisemblables forment vallées et cirques au pied desquels les villages tentent de domestiquer la nature en recourant aux cultures en étages. Lorsque le brouillard ou les averses investissent les hauteurs, l’ambiance est tout simplement magique.
Les sommets de Madère sont abrupts, taillés à la serpe dans la roche volcanique qui tombe en à pics vertigineux. À plus de 1800 mètres d’altitude, ils accrochent tous les nuages de l’Atlantique, plongeant les randonneurs dans un brouillard souvent dense. Les cimes élusives frappent par leur présence écrasante dès que la brume se dissipe pour un temps. Tôt le matin, la mer de nuage offre un spectacle grandiose. Pour avoir la tête dans les nuages (au sens littéral), il faut conduire jusqu’au Pico de Areiro. De là, un chemin balisé mais funambule longe les crêtes jusqu’au Pico Ruivo, le toit de Madère.
A l’ouest du massif, sur les hauteurs de Porto Moniz, se trouve Fanal. Ce lieu restera comme celui d’une communion avec la nature, qui m’a gratifié de conditions météorologiques idéales pour ma découverte du plateau Paul da Serra. Sur cette étendue d’herbe spongieuse, de fougères détrempées et d’arbustes au feuillage persistant se trouvent les derniers lauriers qui couvraient une bonne partie de l’Europe avant la dernière ère glaciaire. Noueux, attaqués par la mousse, les arbres vénérables sont comme des apparitions dans le brouillard. De véritables statues fantasmagoriques sculptées par le temps, vestiges d’une ère lointaine et disparue.
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Dans la jungle des levadas
L’exploration du massif montagneux est, malgré son caractère sauvage et préservé, à la portée de tous les randonneurs motivés. Il est en effet strié de levadas, des canaux d’irrigation indispensables aux cultures en distribuant l’eau tout autour de l’île. Ces chemins plats (ou presque) se ressemblent mais ont tous une spécificité qui donne envie de tous les parcourir. Il y règne une atmosphère de jungle, un parfum de lointain quasi tropical. Voici quelques recommandations d’itinéraires qui plairont aux amateurs de botanique et d’ambiances jurassiques.
Il faut jouer avec les mots pour décrire un tracé de levada : « cascades de mousses », « brume de brouillard »… Les juxtapositions de mots paraissent surprenantes, mais elles font sens face à cette nature humide et luxuriante.
Ribeiro Frio est une petite localité sur le versant Est du massif montagneux. Loin de la foule, on prend d’ici le départ de la Levada do Furado qui serpente jusqu’à Portela. J’en ai aimé le parcours qui s’effectue sous une canopée de lauriers et autres arbres endémiques, avec ça et là une vue vertigineuse sur les reliefs. À certains endroits, des cascades dégringolent des parois moussues, et on est presque seul à en profiter. De Ribeiro Frio, il est également possible d’atteindre en une demie heure de marche un des plus célèbres belvédères de Madère via le Vereda dos Balcoes. La vue sur les montagnes est à couper le souffle. Un paysage qui semble inchangé depuis la genèse du monde.
Bonne adresse pour déjeuner avant ou après la randonnée : le restaurant de Ribeiro Frio sert de succulentes recettes de truites fraiches élevées dans les bassins attenants à l’établissement. Très sympa !
Plus au Nord, il est possible de s’approcher au plus prêt des hauts sommets en restant assez bas en altitude, là où les forêts primaires classées à l’UNESCO recouvrent le tracé de levadas tortueuses à flanc de paroi. La randonnée du Caldeiro Verde, le cirque vert, est célèbre au delà des rivages de Madère à raison. Outre les panoramas splendides sur la vallée, le chemin passe au plus près de plusieurs cascades, dans des tunnels creusés sous la montagne et propose quelques sensations fortes lorsque le vide se fait sentir sur le bas côté. L’arrivée dans le cirque est un grand moment, avec un parterre de fougères géantes profitant de l’eau qui dégringole en cascade depuis le sommet.
Un autre départ de randonnée se situe au col de l’Encumeada, au bout d’une route tortueuse bordée de sublimes paysages. J’ai opté pour un tronçon de la Levada do Norte, une des plus importantes de l’île. Il y règne une belle ambiance de jungle lors de la traversée de la forêt de Folhadal ponctuée par de longs tunnels. Cette balade facile en pleine nature et loin des foules est une véritable pépite cachée de Madère !
Non loin, après avoir traversé une laurisylve touffue, on arrive à Rabaçal, un lieu que j’ai vu balayé par des vents violents et une pluie battante. L’endroit est prisé les jours de beau temps pour randonner le long de levadas jusqu’à la cascade de Risco, la plus haute de Madère, et le cirque des 25 Fontes, où se jettent un grand nombre de sources de la région. Pas forcément hors des sentiers battus, loin de là, mais ces chutes d’eau qu’on atteint après une belle marche entre les troncs torturés des lauriers sont une belle récompense !
Madère compte enfin plusieurs impressionnantes forêts d’eucalyptus, et la Levada do Rei, dont le départ se fait par le versant Nord du massif montagneux, permet de marcher à l’ombre de ces grands arbres. La vue sur la vallée est vite impressionnante, et le parcours est bordé de nombreuses plantes à fleurs. La randonnée traverse plusieurs types de flore luxuriante, jusqu’au Ribeiro Bonito, un petit cours d’eau dévalant la pente dans une vallée encaissée recouverte de fougères. Un bel itinéraire !
Randonner dans les levadas, conseils pratiques
- Pour le passage sous les tunnels, mieux vaut s’équiper d’une lampe frontale. L’accessoire indispensable pour tout explorateur de levada !
- Une tenue imperméable ou un parapluie seront fort utiles lorsqu’une cascade a la bonne idée de se jeter sur le chemin de la levada !
- Pour planifier les randonnées, je recommande le guide Rother, qui propose une soixantaine d’itinéraires et notamment une sélection des levadas les plus emblématiques de l’île. Si vous voyagez en haute saison, mieux vaut-il peut-être opter pour des levadas plus confidentielles. Une bonne partie du charme de ces randonnées vient du calme et de l’immersion en pleine nature !
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La presqu’île de Sao Lourenço
Pour les voyageurs arrivant de France par avion, la presqu’île de Sao Lourenço est probablement la première vision de Madère. Depuis le hublot, on reste marqué par cette avancée pelée et rocailleuse qui serpente dans l’océan.
Il est certain qu’il faut se rendre le temps d’une longue marche au sommet de ces falaises torturées à l’extrême. Pleines d’aspérités, jalonnées de rochers aux arêtes tranchantes sortant des eaux, elles ont leur ambiance propre, rude et sauvage. L’aridité du sol volcanique fait prendre des teintes chaudes rappelant parfois les grands espaces d’Afrique du Nord, en total contraste avec les eaux bleues de l’Atlantique. Lorsque la tempête se prépare, on verse dans le grandiose. La pointe de Sao Lourenço est un bout du monde.
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La côte Nord, sauvage et rude
La plus belle côte de l’île, c’est sans hésitation la côte Nord ! Hors saison, les villages assoupis dégringolent des falaises sombres jusqu’à la mer. Les rouleaux font rugir les galets avant de s’écraser sur les rochers. Le paysage est rude, le bord de mer est découpé, vertical, chahuté par l’océan. Il faut faire des arrêts réguliers le long de la route, à Porto da Cruz et Faial pour se sentir petit face au Rocha da Galé, à Seixal pour suivre les acrobaties des surfeurs qui bravent les vagues. J’ai enfin admiré les couleurs changeantes du ciel une fois le soleil couché depuis l’aiguille de Ribeira da Janela surgissant des flots.
J’ai eu un beau coup de cœur pour Sao Vicente. La localité hésite entre terre et mer. De la chapelle Notre Dame de Fatima, le regard porte des contreforts montagneux aux cultures en terrasses, des hameaux accrochés à la falaise à l’océan. La belle plage de galets noirs est un spectacle en soi lorsque les vagues d’hiver s’abattent sur Madère.
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Madère est une île dépaysante, résolument européenne sur son bord de mer mais luxuriante et sauvage sur ses hauteurs. Les montagnes recouvertes d’une dense végétation pouvant rappeler une véritable jungle sont couronnées de pics ocres et orangés qui accrochent les nuages de l’Atlantique. Paradis des randonneurs, Madère se découvre idéalement à pied, le long des levadas qui se jouent du relief accidenté de l’île. En pleine nature, le parfum de lointain rend fou, fou d’amour pour cette destination ressourçante, loin du vacarme du continent.
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